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Secret de cuisine & Culture bactérienne

Il était une fois Fanny Angelina Hesse qui contribua à la culture bactérienne moderne avec une idée sortie tout droit d’un pudding.

Nous sommes au 19ème siècle, en plein avènement de la microbiologie et de ses applications en santé. Les travaux dans ce domaine prennent une ampleur exponentielle mais un obstacle bloque la route des découvertes : les milieux de culture. En effet, ces derniers, liquides, ne permettent pas la croissance de tous les microorganismes ni l’isolement de colonies pures. La course à la résolution de cet inconvénient de taille fut donc lancée, et nombreuses furent les tentatives.

Revenons sur les faits marquants de ce chemin jonché d’obstacles.

Une première grande avancée fut accomplie en Italie, à Padou, où une épidémie de pain rouge fit rage en 1819. Le pharmacien Bartolomeo Bizio isola les responsables sur de la polenta. Il parvint à transférer ces germes successivement sur différentes matières farineuses, ce qui marqua la première tentative de cultiver des bactéries sur milieux solides.  

Quelques années plus tard, en Allemagne, le microbiologiste Joseph Schroeter parvint à séparer des bactéries de différentes couleurs en les cultivant sur des milieux solides à partir de pommes de terre cuites, de blancs d’œufs coagulés, de viande, de fécule. Schroeter put transférer les microorganismes sur des milieux frais, en continu.

Ces travaux mirent ainsi la première pierre à l’édifice des cultures pures mais ces méthodes n’étaient pas transposables de façon universelle. Il fallait alors continuer d’améliorer les techniques, ce que s’évertua à faire Rober Koch, médecin allemand.

Ce père de la microbiologie médicale chercha à mettre au point un milieu solide, transparent, stérile. Il eut alors l’idée d’utiliser de la gélatine, comme le faisaient les mycologistes depuis plus de 30 ans. Mais cette évolution était assombrie par deux problèmes majeurs : le milieu était digéré par les enzymes de nombreuses bactéries, et ne restait pas solide à plus de 28°C. Koch et ses associés étaient quelque peu découragés, mais tout changea en 1881 lorsque Walther Hesse rejoignit leur laboratoire à Berlin.

Ce médecin de santé communautaire avait fait de la qualité de l’air son cheval de bataille, et c’est pour étudier la contamination microbienne qu’il intégra l’équipe de Koch de 1881 à 1882. Dans l’ombre, son épouse Fanny Angelina Hesse, l’assistait en tant qu’illustratrice scientifique pour ses publications.

Alors que la période estivale arriva avec ses températures élevées, Mme Hesse vit les expériences de son mari ruinées par la chaleur qui liquéfiait les milieux. C’est alors qu’elle eut l’idée qui allait révolutionner la bactériologie. Lorsqu’elle était enfant, elle avait découvert l’agar-agar aux Etats-Unis, grâce à des voisins qui avaient immigré d’Indonésie. Ce polysaccharide issu de l’algue rouge Gelidium corneum était utilisé depuis des générations dans les Indes orientales comme agent gélifiant et épaississant des soupes. C’est grâce à ce petit secret culinaire que Fanny Hesse réalisait gelées et puddings sans aucun souci lié à la chaleur.

Elle suggéra alors à son mari d’employer cet ingrédient pour ses milieux, ce qu’il fit. L’agar-agar s’avéra thermostable, résistant aux enzymes microbiennes, pouvant être stérilisé et conservé durant une longue période. Fanny et Walther venaient de créer le premier milieu solide, transparent, maintenant sa consistance, et permettant des cultures pures.

La découverte fut transmise à Koch, ce qui lui permit de cultiver et isoler Mycobacterium tuberculosis. Ceci fit l’objet d’une publication en 1882, première référence écrite à l’utilisation de l’agar. Cependant, une seule ligne mentionne ce milieu, sans détails sur ses nombreux avantages. Fanny et Walther ne furent jamais mentionnés ni ne reçurent aucune gratification pour cette avancée fondamentale qui permit d’ailleurs à Koch d’isoler ensuite les agents étiologiques de 21 pathologies.

Néanmoins, la contribution de Fanny Hesse à la bactériologie fait d’elle une femme immortelle.