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Microbiologie et vie de couple ne font pas bon ménage

Il était une fois le couple de microbiologistes Lederberg, dont les travaux des années 1950 contribuèrent à définir l’ère classique de la biologie moléculaire.

Fils ainé d’une famille immigrée israélienne, Joshua Lederberg a toujours été attiré par les recherches scientifiques. C’est lorsqu’il reçoit l’« Introduction à la chimie physiologique » pour sa barmitzvah, que sa vocation n’en est que renforcée. Il s’engage alors dans des études de médecine à l’université de Columbia.

Esther Zimmer, de son côté, est issue d’une famille juive modeste du Bronx, et possède une immense soif d’apprendre. Au cours de sa scolarité à l’Hunter College de New York, elle étudie la biochimie puis obtient un master en génétique à l’université de Stanford. C’est alors à cette période qu’elle rencontre Joshua et l’épouse quelques mois plus tard, en 1946. Tous deux intègrent ensuite l’université du Wisconsin, point de départ de plusieurs années de collaboration fructueuse.

Joshua est peu à peu considéré comme un penseur brillant aux idées révolutionnaires, alors qu’Esther devient une experte en méthodologie. Elle met ainsi au point des expérimentations au laboratoire pour faire émerger les découvertes dont les deux époux partagent la paternité au fur et à mesure des années. Ils publient ainsi des articles, ensemble et séparément, sur la manière dont les bactéries peuvent révéler « les événements chimiques dont toute vie dépend ». Leurs travaux vont révolutionner la génétique bactérienne.

Ainsi, en 1946, ils mettent en évidence la conjugaison, grâce à des travaux sur des mutants d’E. coli montrant que les bactéries d’une même espèce peuvent échanger réciproquement des gènes sans reproduction.

Esther, à ses côtés, découvre pendant son doctorat le virus phage lambda dans la souche K-12 d’E. coli. Nous sommes en 1951, et toute l’équipe se plonge alors dans le monde des Lambda. Cela mènera à la découverte d’un élément fondamental dans la sexualité des bactéries : le facteur de Fertilité, ainsi qu’à la mise en avant de la transduction. Par la suite, l’équipe montre que l’acquisition de la résistance à certaines substances toxiques peut être transférée en bloc d’une bactérie à l’autre. Une découverte majeure venait d’être faite, celle de particules génétiques extra-chromosomiques capables de se transmettre et se répliquant de manière autonome : les plasmides.

En parallèle, les Lederberg développent une technique particulièrement importante en microbiologie : la réplication de culture bactérienne, qui permet de réaliser une copie parfaite de colonies dans une boîte de Petri, grâce à un tampon de velours. Le couple utilisa d’ailleurs cette méthode pour montrer que les mutations se produisent de manière aléatoire dans l’évolution plutôt que parce qu’elles sont nécessaires.

L’année 1958 fut celle de la consécration, marquée par l’obtention du prix Nobel de médecine par Joshua, pour ses travaux sur les échanges de gènes bactériens qui transformèrent la bactérie d’une curiosité biologique en un outil indispensable pour l’analyse génétique. Sexisme oblige, Esther fut marginalisée et peu récompensée officiellement de son vivant, alors que ses contributions indépendantes ont été déterminantes pour de nombreuses découvertes de son époux.

Joshua fut par la suite invité à diriger le département de génétique de Stanford alors qu’on proposait à Esther un poste d’associé de recherche dans un autre département. Ils divorcèrent en 1966, la science portant sur la « sexualité des bactéries » n’ayant pas permis de maintenir leur couple à flot.

C’est ainsi que les travaux du couple Lederberg ouvrirent la voie au génie génétique et à tout son potentiel, même si la contribution d’Esther fut malheureusement restée dans l’ombre du laboratoire.