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Les bactéries en font tout un fromage

Il était une fois le fromage, haut lieu de communication entre champignons et bactéries.

Alléchée par l’odeur des fromages français, une équipe de la Tufts University a récemment publié des travaux sur la manière dont, au sein du Camembert, Roquefort et autres réjouissances, les bactéries utilisent les composés produits par les champignons et adaptent leur comportement.

Revenons au point de départ. Pendant que les champignons croissent sur les croûtes de fromage, ils sécrètent des enzymes qui conduisent à la formation de diverses substances telles que des acides, alcools, aldéhydes, amines, composés sulfurés… C’est parmi ces substances que l’on retrouve les composés organiques volatils (COV).

Ce sont ces molécules qui ont intrigué les chercheurs de la Tufts University. Ces derniers ont alors mis en place un modèle leur permettant d’analyser l’effet des COV produits par les cinq principaux champignons retrouvés dans les fromages, à savoir Galactomyces geotrichum, Debaryomyces hansenii, Penicillium sp., Scopulariopsis sp., et Fusarium domesticum, sur des bactéries phylogénétiquement différentes.

Leurs travaux ont notamment montré que la protéobactérie Vibrio casei répondait le plus fortement aux COV, avec une hausse très importante et rapide de sa croissance. Ces effets ne sont d’ailleurs pas transitoires, car ils se maintiennent après une semaine d’incubation. Les COV fongiques entrainent donc un changement dans la diversité du microbiote des fromages, avec l’apparition de la domination du genre Vibrio.

Poussons maintenant l’analyse un peu plus loin afin de comprendre les modifications génétiques sous-jacentes. L’analyse du profil métatranscriptomique des Vibrio a révélé un changement dans l’expression de 159 gènes, et notamment l’activation du shunt glyoxylate, un court-circuit dans le cycle de Krebs. Ceci permet aux bactéries d’utiliser des composés simples tels que l’acétate ou d’autres acides gras comme sources de carbone, lorsque des sources plus complexes telles que le glucose ne sont pas disponibles. Le fromage étant limité en nutriments pour de nombreuses espèces, ce shunt métabolique constitue le mécanisme présumé par lequel les Vibrio utilisent les COV fongiques pour proliférer rapidement. Ces changements métaboliques pourraient également modifier la manière dont les bactéries produisent des molécules secondaires qui influent sur la saveur du fromage.

Les COV fongiques constituent donc un moyen de communication indirect entre champignons et bactéries, permettant à ces dernières de prospérer, et jouent in fine un rôle primordial sur les qualités gustatives du fromage.

Une meilleure compréhension des interactions au sein des microbiomes des fromages pourrait aider les producteurs à manipuler ces éléments pour améliorer la qualité et la variété des saveurs.

Une perspective qui ouvre l’appétit… !