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Guerre & Peste

Il était une fois La Peste, une anthropozoonose, c’est-à-dire une maladie commune à l’animal et à l’Homme, à l’origine de graves pandémies au cours de l’histoire.

Fréquente chez les rongeurs et transmissible à l’Homme par l’intermédiaire de puces, cette pathologie peut revêtir deux aspects majeurs. Le premier, peste bubonique, survient après piqûre d’un sujet par un parasite infecté inoculant l’agent pathogène, qui se multipliera au sein d’un ganglion lymphatique. Ce dernier, le plus souvent situé au niveau de l’aine, va alors gonfler pour former un bubon. Dans certains cas, le pathogène peut atteindre les poumons et les sujets contractent alors la deuxième forme de la pathologie : la peste pulmonaire. Celle-ci est la forme la plus contagieuse du fait d’une transmission interhumaine directe par la salive. C’est également la forme la plus grave puisque la maladie évolue rapidement vers le décès.

Mais quel pathogène peut être responsable d’une telle pathologie ? C’est en 1894 à Hong-Kong, qu’Alexandre Yersin isola le bacille de la peste à partir de cadavres humains et de rongeurs. En hommage au médecin Suisse, cette entérobactérie fut nommée Yersinia pestis. Avant sa découverte, cette dernière avait déjà causé deux autres grandes pandémies. La première, la peste de Justinien, a sévi dans tout le bassin méditerranéen de 541 à 767, décimant entre 25 et 50 millions d’individus. Le rôle de Y. pestis dans cette pandémie fut confirmé en 2012 grâce à des travaux de paléo-microbiologie. En effet, à partir de pulpe dentaire prélevée sur des cadavres dans un cimetière de pestiférés en bavière, l’équipe de Holger C. Scholz a montré la présence d’antigènes spécifiques de l’espèce bactérienne. La seconde, la Peste noire, a quant à elle envahi toute l’Europe au XIVème siècle, et la première vague aurait emporté près de 25 millions d’êtres humains.

Mais comment cette bactérie a-t-elle pu causer autant de victimes ? La réponse se trouve dans son extraordinaire capacité à se multiplier rapidement au sein des tissus de l’hôte infecté. En effet, la bactérie peut produire tout un arsenal de facteurs de virulence qui favorisent sa réplication extracellulaire tout en inhibant l’immunité innée de l’hôte. Ces facteurs sont pour la plupart codés par des gènes présents sur trois plasmides. Le premier, plasmide pCD (Calcium-Dependency), code pour les protéines effectrices Yop (Yersinia outer proteins) qui permettent aux bactéries de rester extracellulaires et d’échapper à la phagocytose. Le second, nommé pPCP, porte le gène pla (plasminogen activator) favorisant la dissémination des bactéries à partir du site d’inoculation. Enfin le troisième, le plasmide pMT (Murine Toxin), code pour une capsule glycoprotéique de surface conférant au bacille une résistance à la phagocytose en inhibant son opsonisation.

La peste est jusqu’à présent la maladie qui, dans l’histoire, est responsable du plus grand nombre de morts, devançant d’autres grandes pandémies foudroyantes comme la grippe espagnole qui a causé au moins 50 millions de victimes en un an. Ce sont les antibiotiques et notamment la streptomycine qui au cours du XXème siècle ont enfin permis de réduire fortement la morbidité et la mortalité dues à cette infection. Cependant, la peste sévit toujours aujourd’hui en Afrique, en Asie et en Amérique.

En attendant la mise au point d’un vaccin efficace, les mesures de santé publique restent l’arme la plus efficace de l’Homme…