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Foie naturellement gras

Il était une fois des oies prévoyantes, accumulant des réserves de graisse avant leurs longues migrations. C’est en s’inspirant de ce phénomène que l’Homme conçoit aujourd’hui des foies gras ravissant nos papilles, bien que l’éthique associée à la méthode de gavage laisse perplexe. Cependant les récentes avancées dans l’exploration du microbiote semblent apporter la dimension respectueuse que mérite ce mets raffiné.  En route pour une aventure des plus savoureuses !

Démarrons notre voyage par un saut dans le temps, et retournons 4 500 ans en arrière… Nous sommes alors en Egypte, et les habitants observent que les oies se nourrissent davantage avant leur voyage migratoire. Ceci donna l’idée aux Egyptiens d’engraisser les anatidés afin de les déguster bien en chair. Les Romains, à leur tour, leur emboitèrent le pas, et découvrirent le goût précieux du foie très riche en lipides des oies engraissés. Le mets « foie gras » était né. Cette technique de gavage s’est ensuite répandue au sein de la communauté juive en Europe centrale et, de siècle en siècle, fut adoptée par la France, qui est aujourd’hui le premier producteur et consommateur de foie gras au monde. Cependant, ce plat à la signature gustative exceptionnelle, fait l’objet de nombreuses controverses éthiques, ouvrant la voie à la recherche de méthodes alternatives de fabrication du foie gras. 

Et c’est dans le Sud-ouest de l’hexagone, à Toulouse, lieu privilégié de la production de foie gras, que le Professeur Rémy Burcelin, Directeur de Recherche à l’INSERM, mit en lumière un lien entre le microbiote et la stéatose hépatique chez l’Homme en 2010. Y voyant une perspective des plus prometteuses, il décide alors avec son équipe de recherche d’explorer ce sujet sur les oies, et crée en 2015 la société Aviwell. Ses travaux, combinés aux outils d’intelligence artificielle, aboutirent à l’identification, l’isolement et la culture des souches intestinales commensales responsables de l’accumulation de lipides dans le foie. Le mélange ainsi obtenu fut administré aux oisons dès leur naissance, ce qui permit aux bactéries sélectionnées de coloniser l’organisme et de créer une flore intestinale propice au développement d’un foie riche en graisses.

Voici comment fut développé un procédé naturel et universel de fabrication du foie gras grâce à la conception d’un mélange microbiotique, administré aux animaux par les producteurs eux-mêmes, sans passer par la méthode de gavage.

Encore une fois, les bactéries nous font profiter de tout leur potentiel, en permettant aux tables de fêtes de concilier saveur, tradition, innovation et respect.