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Eclairage sur une idylle ténébreuse

Il était une fois une bactérie mobile à l’origine du camouflage subtil de la sépiole, une petite seiche originaire de Hawaï.

Dans le monde des profondeurs sous-marines où règnent le froid et les ténèbres, une bactérie nommée Vibrio fischeri a jeté son dévolu sur la minuscule seiche Euprymna scolopes, initiant une relation symbiotique des plus lumineuses.

L’histoire d’amour débute à la naissance de la seiche. A ce stade, la sépiole possède des organes photophores munis de bras ciliés qui brassent le courant vers leurs pores. Ce mouvement d’eau va permettre au céphalopode de piéger des centaines de bactéries, dont l’espèce Vibrio fischeri. Mais cette dernière n’est pas sociable, et une fois installée, elle modifie l’expression de dizaines de gènes chez son hôte, entrainant la sécrétion d’un cocktail chimique hostile pour les autres bactéries. Les pores de la seiche vont ensuite se refermer, et une fois tapis dans les organes photophores, les Vibrio commenceront à émettre de la lumière.

En effet, ces micro-organismes du bactério-plancton possèdent la particularité d’être bioluminescents. Cette émission de lumière est due à l’oxydation de la luciférine par l’enzyme luciférase, provoquant la libération de photons et donc d’ondes lumineuses, source précieuse de défense pour la seiche.

Mais comment cette défense s’opère-t-elle ?

En plein cœur de la nuit, la lumière bleue émise par les bactéries va masquer l’ombre de la seiche et bio-illuminer les fonds sablonneux, simulant la lumière de la Lune sur l’océan. La sépiole, alors artificiellement transparente pour ses prédateurs, peut ainsi chasser en toute tranquillité.

Au petit matin, lorsqu’elle est sur le point d’aller dormir, la seiche expulse la grande majorité des bactéries, stoppant l’émission de lumière.

Les bactéries restantes recolonisent les organes photophores au fil de journée. A la nuit tombée, le taux de Vibrio est suffisamment important pour que les auto-inducteurs qu’ils sécrètent atteignent une certaine densité. Grâce à la communication de bactérie à bactérie, ou quorum sensing, les Vibrio activent alors les gènes impliqués dans l’émission lumineuse.

C’est ainsi que les deux êtres vivent une heureuse cohabitation, les bactéries se nourrissant des composés nutritifs de la seiche, pendant que cette dernière profite du camouflage de contre-illumination procuré par l’activité des micro-organismes.

Cette relation entre ces deux espèces minuscules, riche d’enseignements, ouvre la voie à la compréhension des interactions entre différents organismes, et reflète l’importance des écosystèmes au sein desquels chaque individu compte.