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Conan la bactérie

Il était une fois une conserve stérilisée par radiations ionisantes, qui révéla une nouvelle espèce bactérienne.

Nous sommes alors en 1956 à l’Oregon Agricultural Experiment Station, lorsque l’Américain Arthur Anderson constate après avoir irradié de façon massive une boîte de corned beef par rayons gamma, que son contenu est avarié. C’est ainsi qu’il mit en évidence l’existence de la bactérie Deinococcus radiodurans, le préfixe grec Deinos signifiant « étrange, inhabituel ».

Il s’avéra que cette bactérie était une véritable championne de la survie, car en plus de sa résistance à un taux élevé de radioactivité, elle défie les UV, le peroxyde d’hydrogène, les hautes et basses températures, le vide, la dessiccation, sans oublier l’absence de nourriture.  

Mais quel est le secret de « Conan la bactérie » ?

Plongeons tout d’abord au cœur de son génome. Polyploïde, c’est-à-dire présent en plusieurs exemplaires dans chaque cellule, il est constitué de deux chromosomes circulaires, d’un mégaplasmide et d’un petit plasmide. Il contient des séquences répétées et un nombre important de gènes codant pour des enzymes de détection et de réparation des lésions de l’ADN. Ces enzymes contribuent à l’incroyable résistance de D. radiodurans à différentes formes de stress. En effet, la bactérie possède un extraordinaire mécanisme de réparation de l’ADN, décrit en 2006 par l’équipe de Miroslav Radman. Lors de la première étape, les parties d’ADN détruites sont reconstituées à partir des fragments d’ADN restants et grâce à la polyploïdie. En effet, lorsque les chromosomes sont dégradés en des milliers de fragments, ces derniers peuvent se réassembler grâce à leur complémentarité. L’ADN polymérase I synthétise ensuite de nouveaux brins à partir des extrémités libres des nouveaux fragments. Cette enzyme utilise comme matrice l’ADN complémentaire d’un fragment chevauchant appartenant à une autre copie génomique dans la même cellule. Puis, ces « bouts collants » néosynthétisés se réassocient en se liant aux fragments contigus. Lors de la seconde étape, la protéine RecA rassemble les longs fragments d’ADN par recombinaison homologue permettant ainsi la reconstitution des chromosomes dégradés.

Une autre particularité de D. radiodurans a été mise en évidence en 2010. L’équipe dirigée par Michael Daly a montré que le manganèse était très présent chez cette espèce. Sous la forme d’un complexe orthophosphate, il est impliqué dans la protection des protéines face aux radicaux libres. De plus, cet élément est essentiel à l’enzyme Mn-Superoxide Dismutase, qui réduit le taux de ces radicaux néfastes. La protection des protéines face au stress oxydatif généré par des conditions extrêmes aurait alors peut-être un rôle déterminant pour la survie de la bactérie.  

Les mécanismes de résistance mis en place par D. radiodurans couplant réparation de l’ADN et protection des protéines confèrent ainsi à la bactérie une extraordinaire capacité à ressusciter quelques heures après avoir vu son matériel génétique réduit en segments de 20 à 30 kb.

Une machinerie qui pourrait s’avérer très prometteuse pour différents domaines tels que la médecine régénérative ou la dépollution de sites nucléaires…